jeudi 15 novembre 2012

Le sexe qui tue



Admettez que ça change de la Commission Charbonneau. De la parade de petits hommes gris qui ont tous la même chose à dire: les enveloppes d'argent, les billets de hockey, les parties de golf, le business as usual ... qu'aucun d'entre eux n'a senti le besoin de remettre en question jamais. Déprimant. Le fait que certains disent ne pas avoir acceptés les services de prostituées (voir La Presse, 4 novembre) n'a rien pour réjouir non plus. Pour certains, il n'y avait que les "filles" de sales là-dedans. Mais l'argent?... Doublement déprimant.

Le scandale entourant les généralissimos américains nous change heureusement le mal de place. D'abord, il s'agit de héros de guerre, du fameux 1%, non pas des plus riches mais des personnes les plus influentes aux États-Unis. Le général quatre étoiles David Petraeus, qui a dû démissionner de son nouveau poste de chef de la CIA suite à sa relation avec sa pseudo-biographe Paula Broadwell, est considéré comme le plus grand leader militaire depuis les généraux MacArthur et Eisenhower. Il était vu, dit le New York Times, comme un "demi-dieu" tellement ses stratégies en Irak et en Afghanistan avaient impressionnées.

Ensuite, l'erreur fatale ici n'est pas de la simple avarice --assez banale merci, nous dit la Commission Charbonneau-- mais d'avoir mangé du "fruit défendu", ce que les Américains prennent très au sérieux. La liste de grosses gommes qui ont tombé de leur piedestal suite à des histoires de cul est particulièrement longue aux USA. Gary Hart, Bill Clinton, John Edwards, Al Gore, Eliot Spitzer, Newt Gingrich, David Petraeus... Et la liste pourrait bientôt inclure le successeur de Petraeus en Afghanistan, le Général John R. Allen, si les milliers de courriels envoyés à l'autre ravissante brunette dans cette histoire, Jill Kelley, également femme mariée accusant 20 ans de moins, et un net penchant pour l'homme en uniforme, s'avèrent concluants.

Le président américain Lyndon B. Johnson, rappelle la chroniqueure du New York Times Maureen Dowd, disait que deux choses rendaient les hommes politiques "stupides": l'envie et le sexe. Particulièrement stupide, pourrait-on ajouter, quand il s'agit de sexualité.

Il y a bien sûr tous ceux qui jugent les relations extra-conjugales immorales, mais ce n'est pas ce que Johnson voulait dire. Sauf les ultra-conservateurs, tout le monde admet que les infidélités sont dans l'ordre normal des choses ou, du moins, d'un long et tortueux séjour sur terre. Bref, ce n'est pas qu'un président des E-U ou qu'un chef des Forces armées aient eu une relation avec une autre femme (que leur légitime) qui pose tant problème. C'est l'absurdité en quelque sorte de la situation et, peut-être surtout, leur incapacité à le voir. C'est ça qui est nono.

Dans presque tous les cas, l'équation est la même: attirante jeune femme + admiration béate + homme plus vieux + pouvoir = boum.  Ce n'est pas tant une question sexuelle qu'une question de pouvoir, dans le fond. Tous ces grands hommes se retrouvent au sommet de la pyramide pour avoir outperformed, sur-performés, et ils en sont éminemment conscients. Le général Petraeus, pourtant l'opposé d'un vantard, s'est déjà présenté à un dîner à Washington avec toutes ses médailles épinglées sur son veston (de civil, s'entend). On s'habitue à déplacer plus gros que soi. Ces hommes de pouvoir s'attendent à ce que le monde les salue.

Après 38 ans de mariage, comme celui du général Petraeus, ce genre d'admiration (de la part de la "légitime") n'était sans doute plus tellement dans les cartes. Ce n'est pas par hasard, écrit Frank Bruni dans le NY Times, "si Bill Clinton a eu une relation avec une stagiaire à la Maison Blanche, Newt Gingrich avec une aide au Congrès, John Edwards avec une femme qui l'a suivi avec une caméra pour créer des mini-hagiographies de lui et Petraeus avec une femme qui a signé une biographie de lui si élogieuse que Jon Stewart s'en est moqué en disant ne plus savoir si le général était 'incroyable' ou 'franchement incroyable'."

Le fait d'être admiré par une (relativement) jeune femme, dont le pouvoir est essentiellement sexuel, peut paraître irrésistible à un homme plus vieux qui, lui, a tous les pouvoirs, sauf peut-être celui de planter son drapeau, sexuellement parlant, comme il l'entend. Ces femmes, qui veulent se rapprocher du pouvoir en le baisant, sont de véritables pièges à cons (dans tous les sens du mot) pour ces géants aux pieds d'argile.

C'est une dynamique qui crève les yeux sauf, curieusement, aux colosses qui en font partie. Bien qu'ils aient tout à perdre, ceux-ci demeurent convaincus de pouvoir contrôler la situation. C'est leur truc, après tout. Ils ne voient donc rien venir et inventent des stratagèmes un peu grossiers, tels qu'inviter Monica Lewinski directement dans le bureau présidentiel ou encore, écrire des courriels compromettants en utilisant un simple "drop box", comme l'ont fait le général et son paramour.

Les tragédiens grecs ont un bien beau mot pour décrire l'homme plus grand que nature qui se plante par orgueil: hubris. Celui qu'on dénommait le "moine guerrier", David Petraeus, en est un autre bel exemple. Et, contrairement à ce qu'on peut penser, sa chute n'a pas été causée, cette fois, par le puritanisme américain. Tout indique qu'on avait l'intention d'ignorer sa liaison illicite. Non, le général a été défait à cause du dénommé agent shirtless, l'agent du FBI a qui Jill Kelly, la sirène # 2 dans cette histoire, a parlé des courriels menaçants qu'elle recevait de Paula Broadwell. Mme Kelley connaissait cet agent qui lui avait déjà envoyée des photos de lui... torse nu!

Une histoire de cul (ou deux) qui donc commence, à ses tortueux débuts, par une autre simili histoire de cul, pour ensuite retontir, à tort, entre les mains d'un congressman républicain revanchard, qui lui avertira la tête du FBI... avec les conséquences qu'on connaît.

Les Grecs auraient un fun noir avec ça.

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