mercredi 25 septembre 2019

Les derniers humains

On nous dit de ne pas paniquer, de retenir les trémolos et les gros mots. La colère est malvenue, dit-on, même devant « l’urgence climatique ». Alors, soyons positifs. N’ajoutons pas au découragement ambiant et pointons calmement la lueur au bout du tunnel.
La bonne nouvelle ? Nous n’ignorons plus le monde (physique) dans lequel nous vivons. De la fonte des glaces à l’érosion des berges et aux extrêmes climatiques, nous possédons aujourd’hui une connaissance encyclopédique de l’état des lieux. Les discrets murmures des premiers avertissements (rapport Meadows du Club de Rome, Silent Spring de Rachel Carson…) se sont transformés en un perpétuel grondement impossible à ignorer. La prise de conscience a été remarquable, il faut le dire. Et puis, plusieurs esprits créatifs tentent de trouver des remèdes : de la taxe carbone à l’énergie solaire, des jardins communautaires au burger végé, les initiatives se multiplient pour tenter de pallier cette crise sans précédent.
La mauvaise, maintenant. Jamais l’humanité n’a dû contempler aussi froidement sa disparition. La crise n’est pas qu’écologique, elle est aussi morale et existentielle. Il ne s’agit pas seulement de se battre contre la pollution, le plastique ou la disparition des abeilles, mais de se battre pour notre propre survie — nous, les humains. Cette révélation, en passant, est récente ; elle s’est imposée à la suite de la léthargie désopilante des gouvernements face au réchauffement climatique. À mon avis, ça vaut bien quelques trémolos. « Vous avez volé mes rêves et mon enfance », disait, non sans raison, la jeune Greta Thunberg cette semaine à New York à l’Assemblée générale de l’ONU.
Alors que nous savons désormais des tas de choses sur notre environnement, le grand inconnu, dans ce grand bouleversement, c’est vous et moi. Au-delà de la dégradation matérielle du monde dans lequel on vit, il y a la réaction humaine face au cataclysme écologique qui s’ajoute. Serons-nous à la hauteur du défi qui nous attend ? Voilà désormais la question à laquelle Greta, comme nulle autre, nous somme de répondre.
« On ne peut qu’espérer », dit, rempli d’optimisme, Adam Frank, un astrophysicien qui étudie les différents scénarios qui nous guettent. À partir de l’examen d’autres planètes, le scientifique de l’Université de Rochester a établi trois grands modèles probables. Premier scénario, surnommé « soft landing » (atterrissage réussi) : la civilisation planétaire s’adapte aux changements climatiques, se transforme et survit. Deuxième scénario, « die off » (étiolement) : la population planétaire est réduite au minimum, détruisant toute civilisation technologique. Il y a quelque chose qui survit, mais on ne saurait dire qui ou quoi. (« C’est quand même incroyable qu’on soit encore vivants », le vers de Richard Desjardins, pourrait devenir ici un slogan). Troisième scénario, « collapse » (effondrement) : la population mondiale augmente, l’état planétaire « surchauffe » et, même si certaines mesures ont été mises en place, la population est anéantie. Plus rien d’humain ne subsiste sur la Terre.
La planète a beau s’inviter aux Nations unies, au Parlement et dans la rue, dont à Montréal vendredi, le sentiment d’impuissance est à son comble. On comprend parfaitement pourquoi. Devant l’avalanche de données dont nous disposons désormais se dresse un mur d’inaction gouvernemental tout aussi impressionnant. Aucun des engagements pris lors du Sommet de Paris, pourtant salué comme un grand pas en avant, est en voie de réalisation. Les émissions de gaz à effet de serre, plutôt que de diminuer, ont augmenté depuis deux ans. Ça fait plus de 30 ans que nous ne faisons à peu près rien, comme le soulignait notre Jeanne d’Arc devant l’ONU, et voici qu’il nous en reste seulement 30 autres pour atteindre la cible magique de zéro émission en 2050. Mais, surtout, ne nous énervons pas. Ce n’est pas parce qu’il y a urgence qu’il faudrait agir comme s’il y en avait une.
Il nous faut changer radicalement de mode de vie, changer notre façon de manger, de nous déplacer, de construire nos immeubles et, surtout, de produire et de consommer de l’énergie, et cela, en un temps record. Il faut faire ce que l’humanité n’a jamais fait auparavant : changer radicalement de direction en l’espace de quelques années. Selon le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC), il s’agirait d’un « précédent historique », du jamais vu, mais continuons à prétendre que quelques demi-mesures — une taxe carbone sans véritables dents, du recyclage qui, une fois sur deux, rate sa cible — vont nous sortir du pétrin. Continuons, surtout, à construire un troisième lien et à permettre aux grands émetteurs de GES québécois, comme on vient de l’apprendre, de diminuer leurs émissions d’un dérisoire 4 % et d’être remboursés, en plus, pour ce mini-effort (!). Continuons à privilégier le court terme sur le long terme, les profits immédiats sur l’avenir de nos enfants, et voyons où tout ça nous mène.
Loin d’être malvenue, la colère est la juste mesure de tout ce qui ne va plus.

mercredi 18 septembre 2019

Mêlez-vous de vos affaires

Signe que cette 43e élection fédérale n’est pas partie pour la gloire : les bévues — dont le français approximatif de la chanson de campagne libérale et le passé en nuances de gris de certains candidats — captivent davantage que le contenu qu’on nous propose. Il y a toujours quelque chose d’un peu assommant à se faire chatouiller le dessous du menton, jour après jour, par un chef ou l’autre, dans une surenchère incessante de bonnes nouvelles et de belles promesses. Une campagne électorale est par définition enquiquinante. Mais il y a quelque chose de particulièrement lassant, en ce qui concerne celle-ci, du fait qu’on court en faisant du surplace.
Il n’y a ni grand changement ni grand enjeu dans l’air. Ce qu’on voit, du moins pour l’instant, c’est une guerre de symboles. Tous les partis se sont retranchés sur les valeurs qui les définissent le mieux. Andrew Scheer, c’est le Canada de l’argent sonnant. « Plus d’argent dans vos poches. » Justin Trudeau, c’est le Canada à la fois cool et compatissant, admiré de par le monde. « Choisir d’avancer » (la patte légère et la main en l’air de préférence). Le contraste se veut saisissant entre le rose tendre d’aujourd’hui et le gris foncé d’hier. Jagmeet Singh, c’est la gauche au-dessus de tout soupçon, le retour en force de la conscience morale de la nation. Elizabeth May, c’est « les dernières élections avant qu’il ne soit trop tard ». L’urgence climatique sous des néons clignotants. Yves-François Blanchet, c’est Nous. Les « intérêts du Québec » boostés aux hormones. Ce sont toutes des marques de commerce bien connues.
À travers les tambours et trompettes d’usage, une note discordante, par contre : l’invective « mêlez-vous de vos affaires » plusieurs fois répétée. D’abord Yves-François Blanchet (« Le Québec sait ce qui est bon pour le Québec. Merci »), ensuite François Legault et, maintenant, qui l’eut cru, Manon Massé. Tous somment Justin Trudeau de ne pas intervenir dans le débat sur la laïcité. L’intervention de la cheffe de Québec solidaire intrigue particulièrement étant donné que, tout comme Trudeau, mais contrairement aux chefs du Bloc et de la CAQ, elle n’est pas d’accord avec la nouvelle loi. Et pourtant, dit-elle, cette loi « appartient au Québec ».
C’est d’autant plus surprenant à l’heure où, non seulement le Bloc québécois reprend du poil de la bête, mais où de plus en plus de souverainistes tentent de se faire élire sous l’enseigne fédéraliste. On en connaît au moins trois qui se présentent aujourd’hui pour des partis de l’unité canadienne. Mêlez-vous de vos affaires pendant que nous, on se mêle des vôtres ? Avouez qu’il y a une certaine incongruité, en pleine élection fédérale notamment, au moment où il est impossible d’ignorer la part d’Ottawa dans nos vies, d’inviter le fédéral à ignorer une part de la réalité québécoise. S’il s’agissait de la langue ou de la culture, on pourrait comprendre. Le français, et tout ce qui en découle, est le principe organisateur du Québec. Il ne l’est nulle part ailleurs au pays. Mais la laïcité ? Contrairement à la langue, le phénomène ne s’arrête pas aux frontières de l’Outaouais.
Les souverainistes qui retournent leur veste et les intimations à se tenir coi sont, il me semble, les deux côtés d’une même médaille : la transformation du Québec vers une troisième voie. Celle de l’autonomie avec un grand A. Après avoir été une simple province, après avoir rêvé le pays, après la mort au feuilleton d’un possible compromis, la « société distincte », après l’impossibilité de se comprendre vraiment, voici venu le temps du Groenland. De plus en plus, le Québec se comporte comme un « pays constitutif » d’un autre, un territoire autonome, ce qui a toujours été dans sa nature profonde, il faut dire. Mais aujourd’hui, avec le retour du nationalisme à la petite semaine qui ne fait plus peur mais qui se prend quand même au sérieux, cela prend une ampleur insoupçonnée.
« Le Groenland appartient aux Groenlandais », disait fameusement la première ministre du Danemark cet été, un peu à la Manon Massé, en réponse à la proposition d’achat de Donald Trump. Le Groenland jouit aujourd’hui d’une « autonomie renforcée » lui permettant d’exercer tous les pouvoirs à l’exception de la politique monétaire, la défense et la politique étrangère. La souveraineté-association, quoi, ce dont le Québec a toujours — même quand on a cessé d’en parler — rêvé. Mais, bon, le Québec n’est pas à 3000 km de distance de la terre patrie ni de culture entièrement différente. Voilà le drame et la raison de nos incessantes chicanes. Voilà pourquoi on applaudit l’intervention fédérale à un moment (SNC-Lavalin) et on la conspue l’instant d’après (femmes voilées). Il y a une certaine incohérence ici qui est tributaire de la relation en dents de scie que nous entretenons depuis toujours avec Ottawa — et de plus belle depuis 1980.
À défaut d’une « question de l’urne », ces élections nous donnent à croire que les relations fédérales-provinciales sont loin d’être au beau fixe. On a beau tenter de l’ignorer, il faudra bien rouvrir ce panier de crabes un jour.

mercredi 11 septembre 2019

Le nouveau nationalisme

Qui saurait dire si c’est l’homme lui-même qui parle ou simplement un brillant calcul politique ? Le projet nationaliste de François Legault se conjugue désormais en trois volets : laïcité, langue et bientôt culture. On attendait le cofondateur d’Air Transat sur le terrain de l’économie et des « vraies affaires », le voici en patriote born again. Bien sûr, la fierté d’appartenance de M. Legault n’a de surprise pour personne. Mais qui aurait cru que celui qui a tourné le dos à la souveraineté pour s’occuper de choses plus immédiates, disons, accoucherait, une fois élu, d’un véritable projet de société ?
Rendons à César ce qui appartient à César. À peine huit ans après avoir lancé son offensive, François Legault a réussi à s’arroger les lettres de noblesse des deux autres grands partis : l’économie (Parti libéral) et le nationalisme (Parti québécois). Redoutable exploit qui explique sans doute son impressionnante cote de popularité. Mais bien naïf qui croirait ce tour de main sans conséquence pour le Québec. On n’a qu’à voir ce qui se passe dans les écoles de Montréal : plainte d’un parent à l’égard d’une enseignante portant le hidjabrefus d’embauche d’enseignantes voilées, sans parler des écoles qui rejettent des stagiaires musulmanes, car elles risquent, malgré la pénurie d’enseignants, de ne jamais être engagées. On a beau dire qu’il s’agit de cas isolés, que tout ça va fondre comme neige au soleil, la nouvelle loi sur la laïcité a ouvert, comme dit la présidente de l’Alliance des professeurs de Montréal, Catherine Beauvais St-Pierre, « une boîte de Pandore difficile à refermer ».
Malgré la précision chirurgicale du gouvernement à préserver le plus possible le marché du travail — on reconnaît ici l’homme d’affaires — dont l’abstention pour les déjà embauchés, les CPE et les écoles privées, sans parler de laisser libre cours à la magistrature en la matière (!), la loi sur la laïcité institue la discrimination au Québec. Depuis la rentrée, nous avons désormais des cas concrets de cette discrimination devant lesquels ni la Charte canadienne ni la Charte québécoise des droits et libertés ne peuvent s’appliquer. En neutralisant les deux chartes, la nouvelle législation privilégie l’arbitraire plutôt que les droits fondamentaux. Le fait qu’un tel accroc soit limité à certaines personnes, à un certain moment de la journée, ne change rien à la faille qui vient d’être coulée ici dans le béton.
Comme le démontre la plainte d’un père vis-à-vis d’une enseignante voilée, il est permis de voir désormais une femme portant le hidjab comme une entrave aux bonnes moeurs. La loi le dit : « La laïcité de l’État exige le respect de l’interdiction de porter un signe religieux ». Le gouvernement a beau triturer sa loi à l’extrême, la découper comme un saucisson au nom de la « modération », l’esprit humain ne réfléchit pas à coup d’alinéas ou d’exceptions. Si on ne veut pas de femmes voilées dans les écoles, pourquoi en voudrait-on derrière le comptoir à la SAQ, derrière le volant d’un autobus ou dans une publicité de la Caisse Desjardins ? La loi a beau épargner ces femmes-là, elles sont déjà un peu plus suspectes, un peu moins normales, de par l’existence d’une loi qui punit d’autres femmes qui sont pourtant exactement comme elles.
En voulant mousser la fierté québécoise — « Il ne faut pas avoir honte d’être nationaliste », dit François Legault —, le projet qu’on nous propose aujourd’hui a un impact direct sur la vie de personnes — des femmes surtout — qui méritent mieux. C’est ça qui est nouveau. Inquiétant, également. Le nationalisme d’aujourd’hui a un aspect punitif, reflété également dans le « test des valeurs » qu’on veut désormais imposer aux immigrants. Le sentiment qu’il faut se conformer à un certain code de conduite pour être accepté socialement est nouveau au Québec. Du jamais vu, en fait.
On compare souvent la loi sur la laïcité avec celle sur la langue, mais le parallèle ne tient pas. Il suffit de comparer le préambule de la loi 101 et celui de la loi 21 pour le voir. La loi de 1977 parle du « peuple » québécois comprenant une majorité francophone, mais aussi des minorités dont on « reconnaît l’apport précieux au développement du Québec ». On parle également d’une loi qui « s’inscrit dans le mouvement universel de revalorisation des cultures nationales ». Il s’agit d’un nationalisme inclusif, ouvert sur le monde et sensible aux différentes ethnies. La loi 21, elle, parle de la « nation québécoise » ayant « des caractéristiques propres, dont sa tradition civiliste, des valeurs sociales distinctes et un parcours historique spécifique », une référence exclusive à la majorité francophone sans mention de la diversité québécoise, encore moins de son « précieux apport ». C’est un nationalisme exclusif, plutôt passéiste et peu ouvert sur le monde. Le contraire de ce qu’on connaît ici depuis 50 ans.
Loin d’être « en continuité avec la Révolution tranquille », ce nouveau nationalisme inquiète, en plus d’être sans grande pertinence pour la survie du Québec.

LE CO

mercredi 4 septembre 2019

Sauvage (en effet)

Malgré ce qu’en dit la célèbre maison Dior, « the new parfum » Sauvage n’est pas vraiment nouveau. Une version américanisée d’un vieux classique, Eau sauvage, grand parfum pour homme depuis 1966, la dernière trouvaille de la parfumerie Dior — « croisant la fraîcheur de la nuit » et « l’air brûlant du désert », le tout illustré par la physionomie enténébrée de Johnny Depp — est une eau de toilette pour hommes farouches qui est sur le marché depuis au moins quatre ans.
Ce qui est nouveau, c’est la controverse qui a finalement poussé la célèbre maison a retirer la plus récente publicité faite pour Sauvage, toujours incarnée par l’acteur que l’on connaît. Poussant l’inspiration du Far West un cran plus loin, délaissant le bison, utilisé en 2015, pour le danseur sioux — on connaît l’engouement des Français pour ce type de folklore américain — la pub a rapidement été accusée de sombrer dans l’appropriation culturelle. On voit pourquoi. « We are the land » (Nous sommes la terre), dit la voix de Depp au bout d’une minute de prises de vues absolument époustouflantes, dont celles du guerrier sioux se désâmant avec toute la pompe de jadis.
« The new Sauvage. The parfum Dior… », dit finalement la voix ténébreuse.
S’il y a un endroit où la notion de rapt culturel prend tout son sens, c’est bien dans ces opulentes productions publicitaires qui n’hésitent pas à détourner tout ce qui bouge — de la chute du mur de Berlin à la fonte des icebergs — pour mieux vendre une salade. L’utilisation du mot sauvage, dans un tel contexte, laisse évidemment à désirer, mais c’est surtout l’utilisation de références autochtones dans une vaste entreprise de marketing qui est ici intolérable. C’est le détournement de sens qui saute à la gorge, le fait de juxtaposer quelque chose qui a une signification profonde, la culture autochtone, à quelque chose qui en n’a pas : acheter ou pas du parfum.
À cette enseigne, la palme de l’escroquerie publicitaire revient à Pepsi qui, en 2017, mettait en scène la top modèle et star de télé-réalité Kendall Jenner réussissant l’improbable : la seyante jeune femme parvient à instaurer l’harmonie entre une marée bruyante de manifestants multiethniques et un mur de policiers antiémeute majoritairement blancs. Comment ? En offrant, au plus mignon d’entre eux, une canette de boisson gazeuse. « Si seulement Papa avait su le pouvoir de #Pepsi », ironisa sur les réseaux sociaux la fille de Martin Luther King, montrant son père se faisant malmener par un policier blanc.
L’appropriation culturelle, souvent décriée à tort lors de véritables spectacles artistiques, mérite d’être davantage dénoncée là où le bât blesse, au sein de l’industrie publicitaire. Autre chose qui mériterait d’être pointée du doigt et qui est encore trop peu critiquée à mon avis : l’utilisation de vedettes en publicité. Pourquoi donc faut-il Johnny Depp ou Catherine Deneuve pour vendre des produits Dior ? Martin Matte pour vendre des Honda, Maripier Morin des Buick et Mariloup Wolfe des Chevrolet ? Johnny Hallyday, Robert de Niro, Madonna, David Beckham, George Clooney, Nicole Kidman, Juliette Binoche… Depuis les années 1990, la liste de grands noms jouant le jeu des grandes marques ne fait que s’allonger. Déception amère à chaque fois.
Pourquoi les individus souvent les mieux payés de la planète ont-ils besoin d’encaisser une (autre) petite fortune, souvent à ne rien faire ? À tendre tout simplement la joue ou à fixer pesamment l’horizon. Johnny Depp, un immense acteur, ne joue pas dans le clip de Dior, il respire à peine. Bon, d’accord, certains affirment que l’homme est fauché. Mais comment un homme qui qualifie Hollywood de « sale cirque ignoble » ne voit-il pas, et tous ces célèbres collègues avec lui, qu’il y a un prix à payer à vendre son âme pour de la pacotille ? Aider des grands commerçants à faire encore plus d’argent en vendant des produits dont personne n’a réellement besoin. Est-ce là un enjeu le moindrement important ? Il y a quelque chose de triste à voir des gens qu’on admire momifiés de la sorte, mis en boîte de leur propre accord. Comme le dit le titre d’un essai de la regrettée Toni Morrison, repris dans un récent New Yorker Magazine, « The Work You Do, The Person You Are », le travail que vous faites n’est pas étranger à la personne que vous êtes.
Je tiens à le souligner à un moment où les critiques envers la jeune environnementaliste Greta Thunberg sévissent. Maxime Bernier, le dernier en ligne, y est allé d’un commentaire particulièrement acide cette semaine, parlant de l’adolescente comme étant « mentalement instable ». Bizarre, non, qu’on critique durement une jeune fille dévouée à une cause fondamentale alors que devant des vedettes qui se marchandisent elles-mêmes on ne trouve rien à redire ?
Au moment où l’on se parle, le monde dans lequel on vit continue à récompenser le commerce, le gros argent et le vedettariat avant toute chose. Mais, à juger du sort de la dernière publicité Dior, ça ne saurait durer.