jeudi 23 août 2012

Les nonos qu'on mérite



Deux pays. Deux campagnes électorales. Deux bourdes gargantuesques.

Au Québec, le maire de Saguenay Jean Tremblay a sommé la candidate péquiste Djemila Benhabib, ardente promotrice d'une charte de la laïcité, de se taire. "C'est pas la charte comme telle, a-t-il dit. C'est de voir une personne, je ne suis même pas capable de prononcer son nom, d'Algérie, qui ne connaît pas notre culture, mais c'est elle qui va dicter les règles".

Aux États-Unis,  le représentant républicain du Missouri, Todd Akin, s'est distingué, lui, par sa méconnaissance grossière de la biologie, pour ne rien dire du viol. "Si c'est un véritable viol,  a-t-il affirmé, le corps de la femme a des moyens pour arrêter la machine et ne pas tomber enceinte".

Dans les deux cas, la bêtise est à ce point consommée qu'il est tentant de n'y voir que du feu. C'est-à-dire de mettre ça sur le compte des nonos de ce monde, point à la ligne. Mais ce serait une erreur. On a, après tout, les nonos qu'on mérite.

Le parti républicain a beau se dissocier des propos de Todd Akin, le pousser même à céder sa candidature, l'incident n'est pas si exceptionnel. D'autres républicains ont contribué à répandre le mythe des faux viols, comme des ressorts mystérieux du corps féminin. Le conservateur du North Dakota, Henry Aldridge, par exemple, croit que "le jus ne coule pas" chez les femmes "légitimement" violées. Un autre, Stephen Freind, croit que les femmes violées "secrètent une certaine sécretion" pour empêcher la grossesse.

Au-delà des commentaires farfelus, il y a le parti républicain lui-même qui de plus en plus "célèbre l'ignorance" que ce soit par rapport à la théorie de l'évolution, les changements climatiques ou, encore, l'avortement*. Il y a surtout un parti qui, avec l'arrivée en force des membres du Tea Party en 2010, a été extraordinairement éfficace à faire reculer le droit à l'avortement dans bon nombre d'états américains.

Depuis 2011, pas moins de 124 propositions législatives, un record, ont restreint la pratique de l'avortement. Le Mississippi, par exemple, est passé de 14 cliniques d'avortement en 1980 à une seule aujourd'hui. Pour plus de la moitié des femmes américaines, il est difficile d'obtenir un avortement à l'heure actuelle. Alors, peu importe si la bévue de Todd Akin lui coûtera son poste ou non, la "guerre contre les femmes", menée tambour battant par le Grand Old Party, persistera.

Au Québec, on a peine à imaginer un tel sexisme. Bien qu'on se demande si la charge du maire Tremblay contre Mme Benhabib ne s'en inspirait pas quand même un peu, le problème ici est davantage la xénophobie, la peur de l'Autre plutôt que la peur des femmes. Et M. Tremblay n'est pas, lui non plus, unique dans son genre.

Les Québécois qui croient, à l'instar de Mario Dumont et Richard Martineau, que nous sommes trop "mous" face aux cultures étrangères se font de plus en plus remarqués. Pensons au député péquiste André Simard qui se plaignait le printemps dernier de la pratique de boucherie halal, ce qui ne correspond pas, selon lui, "aux valeurs québécoises".

On pense aussi à Pauline Marois qui pas plus tard que cette semaine voulait exiger la connaissance du français à tout candidat aux élections scolaires, municipales ou provinciales. Mesure qui aurait créé deux classes de citoyens: les citoyens francophones, au-dessus de tout soupçon, et les autres. Heureusement, une loi interdit une telle discrimination envers les anglophones et allophones, comme a vite fait de le rappeler Jean-François Lisée.

On pense finalement à cette absurde charte de la laïcité proposée par le PQ qui interdirait "tout signe religieux ostentatoire", tout en permettant les crucifix de l'Assemblée nationale et ailleurs. Deux poids, deux mesures: une pour les citoyens majoritaires (chrétiens), une autre pour les minoritaires (musulmans, juifs ou autres). Comme écrit Michel C. Auger sur son blog: "La laïcité n’est pas le droit du gouvernement d’interdire l’expression des croyances religieuses des citoyens. C’est le droit des citoyens de vivre en sachant que l’État ne prendra pas parti pour une religion contre toutes les autres".

Or, la charte proposée par le Parti Québécois fait exactement le contraire. Notez le saut particulièrement périlleux qui consiste à invoquer "l'égalité hommes-femmes" pour justifier l'interdiction de signes religieux (autres que ceux de la majorité). En d'autres mots, par peur du sexisme, il faudrait verser dans la xénophobie. C'est ce qu'on appelle se tortiller le derrière pour chier droit.

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