mercredi 15 août 2012

François Legault et la planète Mars



Plus de six mois maintenant que les jeunes se mobilisent, prennent la rue, discutent en assemblée, parlent aux médias, organisent des camps de formation, pétitionnent les tribunaux, imaginent (avec l'aide de certains grands poètes) des slogans : "Nous sommes les bêtes féroces de l'espoir"...  Un véritable tsunami d'activités et de débats auxquels se sont intéressés de grands quotidiens comme Le Monde et le New York Times (et jusqu'au Paris Match!).

Rien d'autre de ce qui s'est passé au Québec depuis le dernier référendum a su attirer autant d'attention. Et tout ça, grâce aux "jeunes". Grâce à eux, nous avons eu l'impression de vivre au coeur des événements, d'être au centre du monde. La fameuse phrase de René Lévesque, "on est pas un p'tit peuple, on est quelque chose comme un grand peuple", prenait tout son sens tout à coup. Du courage, de la détermination, de l'éloquence... en voulez-vous en v'là.

Il était où François Legault pendant ce temps-là? Sur la planète Mars?

Depuis deux jours, le caquiste en chef accuse les jeunes Québécois de vouloir faire "la belle vie", les traitant de fainéants comparés à leurs vis-à-vis asiatiques, critiquant leurs "valeurs" et  leur "méfiance face à la notion de productivité". S'il fallait encore une preuve que le nouveau parti politique n'a d'yeux que pour ce qui fait tourner l'économie, la voilà.

D'ailleurs, les portraits-robots publiés aujourd'hui dans La Presse démontrent que la CAQ est le parti des hommes d'affaires par excellence. On croyait le Parti libéral prostré à cet autel mais, non, le parti de François Legault (un comptable agrée, après tout) compte déjà beaucoup plus de fidèles: 49% de ses membres viennent du milieu des affaires (contre seulement 27% au PLQ) et 78% sont des hommes. Ça n'en fait de la cravate ça, Madame.

On pourrait donc dire que plus on sait compter (et encore, les promesses électorales de Legault ne tiennent pas nécessairement la route), moins on sait écouter ou observer. Comme le rappelait certains commentateurs cette semaine, les jeunes Québécois n'ont jamais été aussi scolarisés, ni aussi nombreux à détenir un emploi, tout en étudiant. Comme les Asiatiques poussés dans le dos par leurs parents (ce dont nous parle François Legault), ils se fendent en six pour arriver.

La jeunesse nous a également démontré, ce printemps toujours, qu'elle avait quelque chose de plus précieux que de l'ambition, elle avait de l'idéal: le goût d'améliorer les choses, pas seulement pour elle-même, mais pour tout le monde.

Comment se fait-il que François Legault ne voit rien de ce qui crève les yeux en ce moment?

Après avoir renié son propre idéal de souveraineté, M. Legault fait la sourde oreille à tous les autres débats d'idées qui surgissent actuellement. A l'instar du regrettable ADQ, il a créé un parti du ni-ni: ni fédéraliste, ni souverainiste, ni à gauche, ni à droite. Le parti de la tirelire, ni plus ni moins, sans véritables idées sauf celle de l'efficacité et de la rentabilité. M. Legault a beau faire ses petites génuflexions aux stations politiques d'usage --la santé, l'éducation, l'environnement, la culture-- son seul vrai projet est de "dégraisser" l'Etat et d'inciter à la productivité.

Cette rengaine de la rentabilité est d'ailleurs renforcée par le formidable Dr. Barette qui, gourmand en toute chose, veut voir les médecins prendre de plus grosses bouchées au travail. Sans le dire tout haut, l'ex-président des médecins spécialistes croit que les femmes omnipraticiennes sont en train de donner un bien mauvais pli à la profession, avec cette fâcheuse manie qu'elles ont de vouloir s'occuper de leur famille et, donc, de réduire leurs heures de travail. Le Dr. Barrette voudrait revenir au bon vieux temps.

Encore une fois, ce n'est pas voir ce qui se passe en société, ni comprendre ce qu'il faut faire pour s'adapter aux nouvelles réalités. Pourtant friands de réformes, ni François Legault ni son candidat vedette Gaétan Barrette ont vu que la vraie réforme à entreprendre c'est la transformation du monde du travail: une vraie conciliation travail-famille où les employeurs ne se sentiraient pas lésés et les parents, coupables. En voilà une réforme qui en vaudrait la peine.

Mais il ne faut peut-être pas trop en demander à un parti qui a décidé de vivre sur sa petite planète à lui. Peu surprenant, d'ailleurs, que certains électeurs l'aient rebaptisé le Couac.

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