mercredi 23 mars 2016

PLQ, la métamorphose

« Le parcours d’une vie, tout comme l’action politique, comporte des moments charnières. »

La phrase, tirée du discours inaugural de Philippe Couillard, aurait pu coiffer la photo de Nathalie Normandeau alors que la nouvelle de son arrestation explosait avec chaque bulletin de nouvelles, dans chaque média, comme autant de petites bombes, jeudi dernier. Bien que la commission Charbonneau ait mis la table, bien que l’ex-vice-première ministre y ait témoigné, c’est quand même un sacré point d’orgue que celui-là.

Personne de cette stature politique n’avait encore été accusé, ni au Québec ni ailleurs au Canada, d’une telle méconduite. Ni avant, ni durant, ni après Gomery. L’image du jeune commis voyageur de Kafka se réveillant soudainement transformé en coquerelle m’est, comme par hasard, venue en tête.

Jusque-là, Nathalie Normandeau représentait pour moi celle qui avait changé l’allure des femmes en politique. Avec elle, les femmes ont gagné la permission d’être « sexées » dans les chambres de l’État. Ça se préparait évidemment déjà, au fur et à mesure que les femmes gonflaient les rangs, mais c’est la mairesse de Maria qui a le mieux tourné le dos au look un brin matante qui sévissait sur les collines parlementaires. Longtemps le gage exigé des femmes qui entraient en politique — « il fallait laisser sa sexualité à la porte », a déjà dit fameusement Louise Harel —, la féminité (bien accrochée) se troquait en échange du pouvoir, bastion masculin par excellence. Comme si les deux s’excluaient mutuellement. Mme Normandeau, elle, n’a pas fait de compromis là-dessus, mais ailleurs, par contre, c’est une tout autre paire de manches.

Cela dit, ce n’est pas tant la métamorphose de Nathalie Normandeau qui m’importe ici que celle du Parti libéral du Québec lui-même. D’abord, la « vermine » ne se résume pas à celle qui porte du mascara et du rouge à lèvres dans cette histoire. C’est d’ailleurs assez désolant que le gros poisson dans le coup de filet de l’UPAC soit une femme alors que celles-ci sont toujours minoritaires en politique. À cause de son poste aux Affaires municipales, la dame du FM93 y prêtait flanc sans doute davantage que d’autres au gouvernement Charest. Sa personnalité et sa feuille de route y sont peut-être aussi pour quelque chose. Mais la responsabilité de cette culture de l’argent, cette mentalité du donnant donnant, ne lui incombe pas uniquement. Tant s’en faut. Sous Jean Charest, le PLQ a créé une « culture dévoyée du financement », écrit Yves Boisvert dans La Presse. Ajoutons qu’une telle culture ne se résume pas seulement à la manière dont on finance un parti politique ; c’est aussi une façon de voir la politique tout court.

À quel moment le parti de Jean Lesage, Robert Bourassa et Claude Ryan est-il devenu celui de Marc-Yvan Côté, Marc Bibeau et Jean Charest ? À quel moment a-t-il cessé de représenter la Révolution tranquille, la démocratisation, la francisation, la fierté de se tenir debout pour devenir le parti de l’argent, du business as usual, du bâillon, du fossoyeur des commissions indépendantes et des CPE ? Philippe Couillard a beau vouloir distancier son gouvernement de la pestiférée Nathalie Normandeau, il n’est pas quitte du pourrissement du PLQ pour autant. Au-delà de l’achat éhonté de votes et de la corruption comme telle — qui se limitera peut-être aux personnes déjà épinglées ou peut-être pas —, il est à la tête d’un parti qui a mariné dans ces eaux-là et qui, malgré sa promesse d’une « nouvelle culture », a toujours traité la commission Charbonneau avec des pincettes et donne peu d’indications de vouloir adopter ses recommandations. Méprisant les organismes communautaires et la représentation citoyenne, les démunis, les enfants sur les bancs d’école et les femmes qui travaillent, le parti de Philippe Couillard nous a habitués à une seule chose : l’atteinte coûte que coûte des « résultats financiers ».

N’y a-t-il pas d’ailleurs un parallèle à faire entre le pourrissement du Parti libéral et celui du Parti républicain aux États-Unis ? Bien sûr, le PLQ n’a pas à sa tête un agent immobilier qui se prend pour le bon Dieu, rien d’aussi spectaculaire que « The Donald » de ce côté-ci de la frontière, mais c’est précisément parce que le parti de Ronald Reagan a petit à petit renié ses propres valeurs qu’il implose aujourd’hui sous la déflagration d’un Donald Trump. Le mépris des instances démocratiques et l’obsession de l’argent ont fini par gangrener ce parti à tel point qu’on craint pour sa survie. Deux ans après son élection, le Parti libéral a tout un examen de conscience à faire s’il veut éviter les mêmes escarres.

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