mercredi 5 septembre 2012

Encore?



Le Québec fabriquerait-il des fous furieux politiques?...

Denis Lortie, Marc Lépine et voici maintenant, Richard Henry Bain, trois hommes venus ébranler l'idée que nous nous faisons de nous-mêmes, en tirant impunément sur des innocents. C'est sans compter évidemment Valéry Fabrikant et Kimveer Gill qui, tous, ont réglé leurs comptes le fusil au poing. Seuls les trois premiers, par contre, avaient une "cause", une dent contre l'évolution des moeurs en quelque sorte. Un peu à la manière d'Anders Behring Breivik en Norvège, nous comptons au Québec trois cas notoires d'hommes qui ont vengé, à coups de sang, ce qu'ils considéraient comme des politiques inacceptables: Lépine s'en est pris au mouvement des femmes, Lortie et Bain au mouvement souverainiste.

Bien sûr qu'il y a ici un problème de santé mentale, plus manifeste encore chez Bain que ses deux prédecesseurs. Mais cela n'enlève rien au fait que ces trois hommes, contrairement aux fous furieux d'usage, ont épinglé leur malheur sur le dos d'une question très précise, voire très importante pour une majorité de citoyens. Bref, il y a une motivation sociale derrière leur folie furieuse.

Pourquoi trois fois en moins de 30 ans? Même aux États-Unis, champion mondial des tueries de masse, les causes sont rarement aussi pointues. Et pourquoi ici et non ailleurs au Canada?

La question indispose, c'est sûr. À ce que je sache, elle n'a été posée qu'une seule fois publiquement, par l'ex-journaliste vedette du Globe and Mail, Jan Wong, qui d'ailleurs l'a payée très cher, perdant sa chronique peu de temps après, pas tant pour la question qu'elle posait que pour sa réponse. Originaire de Montréal et de descendance chinoise, écrivant après la fusillade perpétrée par Kimveer Gill au collège Dawson, Mme Wong expliquait nos tueries à répétition par le manque d'intégration des immigrants. Le débat linguistique, selon elle, marginaliserait les nouveaux arrivants au Québec davantage qu'ailleurs au Canada.

L'analyse était boiteuse du fait que des cinq hommes, seulement un, Valéry Fabrikant, est véritablement immigrant. Malgré son nom indien, Kimveer Gill est né à Lachine. Marc Lépine, lui, a beau être de père Algérien, il vivait, parlait et se comportait comme un Québécois. Mais si la réponse sentait trop le règlement de compte d'une Canadian vis-à-vis le Québec, la question, elle, demeure entière, surtout apès ce qui vient de se passer au Metropolis cette semaine.

Pourquoi un tel cauchemar se répète-t-il au Québec où on ne compte ni plus de violence, ni plus de fous qu'ailleurs? Pourquoi, en plus, semble-t-il y avoir une convergence de motifs: la question de la place des femmes et la question nationale?

Il est évidemment trop tôt pour savoir ce qui motivait Richard Henry Bain. Qui ou quoi visait-il exactement? Mais, devant l'horreur qui se répète, on ne pourra pas éternellement éviter de se poser la question de la spécificité québécoise.

Pour ma part, je ne crois pas que le Québec soit plus macho, moins prêt à accueillir des femmes ingénieures ou une femme Premier ministre, qu'ailleurs. Encore moins, plus violent ou plus fou. Mais plus passionné, plus politisé, plus investi dans le "corps social", plus tissé serré du fait de notre petit nombre et notre histoire tumultueuse... ça oui.

Le sentiment de famille qui s'est développé ici comme conséquence d'avoir survécu à 400 ans de domination anglaise (merveilleux à vivre quand on se trouve du "bon côté") veut aussi dire que le sentiment d'exclusion peut être plus aigu qu'ailleurs, plus dur à vivre. Qu'il s'agisse des anglos vis-à-vis des francos, ou des hommes vis-à-vis des femmes.

Le Québec est le seul endroit en Amérique du nord où l'on revit constamment, bien qu'en miniature, le conflit d'origine qui donna naissance au pays. Culturellement, cette tension perpétuelle donne d'extraordinaires résultats. Politiquement?... les résultats sont moins probants.

Ce dénouement macabre des dernières élections a quand même un aspect positif --du moins, pour Pauline Marois et sa "gouvernance souverainiste". La PM retrouve un capital de sympathie que les résultats peu reluisants du 4 septembre ne lui permettaient pas d'espérer. La voilà un peu mieux lancée dans cette grande aventure. Encore faut-il que ça dure.

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